Pratiques et enjeux du détournement dans le discours littéraire des XXe et XXIe siècles : Tout peut servir

Comme si à l’avènement du nouveau – pour reprendre la célèbre affirmation de Ducasse – « le plagiat [était] nécessaire13 » ; comme si un tel dispositif s’avérait désormais la seule manière de « parler la belle langue de [s]on siècle14 ». Ainsi, par le biais du cut-up ou de la parataxe, à travers la répétition sérielle ou la réversibilité d’éléments esthétiques préexistants, de nombreuses œuvres li [...] Étudier le détournement, en prenant soin de le distinguer de la citation, du fragment, du collage et d’autres opérations similaires, c’est du coup réexaminer à travers lui quelques notions clés de la modernité et de la postmodernité qui, encore aujourd’hui, nous interrogent de manière pressante, telles que l’originalité et la propriété, la nouveauté et la tradition, l’autorité et l’intertextualité [...] En effet, à l’exception de quelques articles parus le plus souvent dans des revues confiden- tielles, et mises à part la récente analyse de Lorenzo Menoud (qui aborde « la poésie d’aujourd’hui à l’aune du détournement » et dont on ne saurait trop recommander le « survol historique », clair et synthétique, de la première partie)19 ou celles – plus engagées et affichant, de ce fait, un net parti pri [...] Sur la question de la propriété d’auteur, on verra le récent ouvrage de Pierre Bayard, Et si les œuvres changeaient d’auteur ? Fidèle à sa méthode contre-intuitive et hautement comique développée au fil de plusieurs ouvrages, Bayard imagine les effets – et souligne les bénéfices – de ce que nous appellerions un projet de « détournement total » par lequel il devient possible de relire et de découvr [...] Or si ce geste, qui prend « comme cible et comme source le langage du quotidien » pour produire chez le lecteur un effet de « décalage », possède indéniablement déjà à l’époque une dimension critique dont l’humiliation de la langue, de la raison, du talent et de l’idée même de littérature sont les enjeux principaux, il est aussi un jeu par lequel s’expose « la fonction ludique du poète » et d’où s